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Djibril Tansir Niane : Un historien s’éclipse

L’historien et écrivain Djibril Tansir Niane s’est éteint le 8 mars 2021 à Dakar. Auteur de Soundjata ou l’épopée mandingue, paru en 1960 aux éditions Présence africaine, il est le chantre de la grandeur de l’Afrique.

 

 

Il est parti, le 8 mars 2021, à l’âge de 89 ans, cet homme de  très grande discrétion.  Ses apparitions étaient rares et parfois, c’est par la fenêtre dérobée du people que son nom apparaissait dans les dépêches ou les téléprompteurs du fait que Katoucha, égérie de Yves Saint-Laurent était sa fille.

Pourtant, il est l’un des grands historiens du continent, spécialiste du Mandé. Il fut par ailleurs contributeur à côté de Joseph Ki-Zerbo pour l’écriture de l’Histoire générale de l’Afrique. Il a publié beaucoup de livres allant de l’essai au conte en passant par le théâtre. Mais il doit sa place d’auteur important à l’épopée de Soundjata.

Soundjata ou l’épopée mandingue est l’une des œuvres les plus connues de la littérature africaine francophone non seulement à cause du genre épique assez peu pratiqué par les auteurs mais surtout parce que c’est une œuvre au programme dans tous les lycées et collèges d’Afrique francophone.  Mais l’auteur n’en tire aucune gloriole. Comme s’il était gêné de voir son nom sur la couverture, il s’empresse dans la première phrase de l’avant-propos d’exalter la source du récit. « Ce livre est plutôt l’œuvre d’un obscur griot du village de Djeliba Koro dans la circonscription de Siguiri en Guinée. Je lui dois tout », écrit-il, avant de conclure cet avant-propos par « Je ne suis qu’un traducteur ».

Et depuis Homère, combien de traducteurs se sont approprié  la paternité des récits qu’ils ont transposés dans une autre langue. Combien d’écrivains ont recueilli les récits oraux et ont ausculté les sources, s’en faisant les propriétaires ? Il faut reconnaître à Niane son honnêteté intellectuelle mais lui dire aussi que sa traduction si réussie fait de lui l’auteur de cette épopée.

Beaucoup de lycéens ont retrouvé la fierté d’être Africains en lisant l’ascension de ce jeune homme paralytique, prince de village qui bâtit un empire qui s’étend à toute l’Afrique de l’Ouest. C’était au 13e  siècle, il y avait un empire plus grand qu’aucun des pays actuels de cette zone.  A la puissance d’Alexandre le Grand, il pouvait opposer celle de Soundjata Kéita.

Avec les années, on revient à l’épopée et on se rend compte que c’est un traité de politique et une piste pour nourrir les réflexions sur l’Afrique du futur. On découvre par exemple que le fédéralisme était le mode de gestion de l’empire parce qu’après la victoire sur Soumahoro Kanté, Soundjata remit à chaque roi qui a participé à l’expédition sa lance et la gestion de son royaume.

Cette épopée nous rappelle aussi que l’histoire du Mandé est nôtre et le destin actuel du Mali doit interpeller toute la région. Les contingents de soldats burkinabè qui y vont pour défendre ce pays contre l’hydre terroriste doivent savoir qu’il y a 600 ans, des archers bobo  avaient rejoint Soundjata pour participer à l’avènement d’un empire où l’esclavage serait aboli, où chacun verra ses droits respectés. Grâce à l’épopée de Niane, tous savent qu’ils n’y vont pas pour défendre la FrançAfrique mais qu’ils mettent leurs pas dans ceux de leurs lointains ascendants pour créer un espace de liberté et de prospérité.

Pour finir, le griot Mamadou Kouyaté nous défie : «Hommes d’aujourd’hui, que vous êtes petits à côté de vos ancêtres, et petits par l’esprit car vous avez peine à saisir le sens de mes paroles ».

Djibril Tansir Niane nous quitte à un moment où les pays sur les anciennes frontières du Mandé sont confrontés à des grands défis : terrorisme, pauvreté, obsolescence du modèle de gouvernance, etc.

 

Alcény Barry

 

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